Articles de septembre 2010 ↓

En attendant la fin des Jeux…

Kids, j’ai survécu au Village. Veni, vidi, vici, là. Les derniers jours là-bas ont été un véritable parcourt du combattant, principalement à cause d’une planification pifometrée à la louche, ayant pour conséquences des mesures de sécurité bordélique et mises en place de façon fort tardives. Au passage, ne vous inquiétez pas en lisant la suite hein, dans le fond tout se passe bien et je préfère largement être ici que dépérir inutilement à Chatillon ! Mais sur ce blog, la tradition veut que je vous serve les évènements avec une bonne dose de cynisme et de râleries…alors c’est parti 😉

Mais tout d’abord, qu’est-ce qu’un flic, aux Jeux du Commonwealth ? Simple :

– Vous prenez l’indien au regard le plus bovin possible, avec un gros bide et une moustache, vous le fringuez en kaki et vous le posez le cul sur une chaise 12 heures d’affilées. Tadaaaaaam !

– Activité principale de la journée : bouffer à longueur de temps et vous regarder trimer comme un galérien avec votre équipe, et se barrer comme un filou en laissant tout en bordel et en organisant une décharge publique dans un coin de salle obscur.

– Autre signe distinctif : végète en meute de 25 individus pour faire bonne mesure, ne risque pas un cheveu autour d’un périmètre de 20m², et il y en a grosso modo un troupeau tous les 80m. Horripilant.

– Sport favoris : rackette systématiquement tous les membres du staff à l’entrée sous prétexte que les clopes sont interdites sur le site (blague), tout en demandant innocemment : « do you have perfume ? » (c’est ça oue, et tu veux pas non plus 100 balles et un mars temps qu’on y est ? non mais sans dec…).

– Utilité quelconque : Nulle. Mais de temps en temps (genre vers 17h, quand il fait un peu moins chaud), se lève, saisi un bâton, fait 20m et le plante vigoureusement dans le sol pour vérifier qu’il n’y a pas une bombe. Puis se rassoit, épuisé.

Specimen isolé en pleine action.

A part ça, il y a eu ce jour unique et fabuleux où ils nous ont interdit sacs, talkie et téléphone, comme ça, sur un coup de tête : genre on a des pigeons voyageurs au Village. A ce rythme on pensait devoir bosser à poil le lendemain.

Mais en fait le jour d’après ils ont interdit l’approvisionnement en eau. Alors passer une journée avec un litre d’eau pour 4, vu le climat et l’activité, je vous assure que c’est un coup à prendre très TRES cher.

Et finalement, le jour suivant, ils ont interdit l’entrée à toute la main d’œuvre. C’est pas comme si on avait 3 mois d’avance sur le planning donc ça tombait super bien, vous pensez bien. C’est comme ça que tout le staff (5 personnes, sur tout le site ça fait franchement peu) s’est retrouvé à mettre les mains dans le cambouis pour avancer malgré tout, que certains se sont improvisés pilotes de poids lourds et que je me suis retrouvée aux commandes d’un fenwick pendant un bout de matinée. Mais ça c’était marrant en fait, heureusement qu’on m’avait donné un cours avant pour le fun, ahah !

Et guess what ? Les Jeux auront quand même lieu. Crazy.

Y a juste eu quelques scandales sur la propreté du site. Tu m’étonnes. Et encore, les journalistes ne sont pas allés faire un tour au dépôt parce que là on vit de grands moments nutella : la warehouse sert tout à la fois de salle à manger, de chenil, de nid de serpents, de chiottes publiques et de décharge. Une catastrophe sanitaire, y a de quoi démarrer une guerre bactériologique là-dedans. Ça plus les flaques d’eau stagnantes de la mousson mélangées à d’autres trucs (dont on préfère ignorer la nature) et les armées de moustiques qui ont refilé la dengue à la moitié des équipes…et comme il y a pas la clim, tout ce petit monde macère allègrement par 40° en un immense bouillon de culture. Tout de suite ça donne envie d’y passer ses journées. Heureusement que je bossais pas trop là-bas parce qu’à long terme y a moyen que ça tue un bonhomme.

Bref. J’ai quitté temporairement ce lieu hostile pour rejoindre les bureaux : quelques tentes installées dans un complexe de salles d’exposition plus ou moins à l’abandon, une sorte de grand bâtiment pyramidal probablement issu de l’imagination d’un architecte un peu geek fan de Stargate. Les flics y sont encore plus chiants (true story !) et les horaires toujours hardcore, mais au moins on peut rester assis 75% du temps, et en plus on apprend plein de trucs.

La photo doit dater du siècle dernier parce qu’en vrai c’est chouia plus usé. Et avec, genre, des fuites.

15 jours chez les Village People

« Bienvenue en Enfer ». Ça, c’est la première chose qu’on m’a dite quand j’ai mis les pieds au Village. Le deuxième accueil s’est soldé par un « Welcome in South Africa », lancé par un chef d’équipe avec des cernes jusqu’au menton qui avait pas réalisé que la World Cup (comme ils le disent affectueusement là-bas) était fini depuis une paye et qu’il avait changé de continent. Okay.

Cinq minutes après être entrée dans le sacro-saint de l’État-major des lieux (à savoir un container de camion climatisé avec 6 chaises autour d’une pauvre table aussi défigurée qu’après un séjour en ZEP), on m’a servi un grand moment de craquage sur Waka Waka, craché par des haut-parleurs de PC un peu usés et 3 membres du staff (un peu usés eux-aussi) qui gesticulaient les bras en l’air. Okay.

Pour la petite histoire, les ¾ de l’équipe postée en Inde sont passés par la case Sud Af’ avant d’atterrir à Delhi et on n’imagine pas les dégâts collatéraux que Shakira a infligés à ces pauvres gens pendant leur séjour. (Amis Insaliens, dites-vous que pour eux, cette chanson, c’est grosso-modo l’équivalent de Jésus revient pour un Ziket’. C’est dire.)

Bref, petit pétage de plomb, qui peut s’expliquer assez facilement par le fait qu’à partir du 3 octobre c’est le lancement des Jeux du Commonwealth : 11 jours de compétitions pour 70 nations et le plus grand évènement sportif organisé par le pays depuis les années 80. Simplifions les choses, et appelons un chat un chat, c’est un bordel absolu et à l’heure actuelle les indiens sont complètement à l’arrache.

Et en l’occurrence, le Village des athlètes, c’est la jungle. Déjà parce que ça fait au moins une semaine qu’il aurait du accueillir des gens et qu’on en est au stade de poser des câbles entre les apparts’, les trottoirs déchiquetés et les chiens errant. Qu’il fait au bas mot 35° et qu’une journée là-bas s’accompagne invariablement de 15 bornes parcourues à pied et de 4 cadavres de bouteilles d’eau. (Si vous êtes chanceux y a parfois un tracteur ou un semi-remorque qui peut vous prendre en stop). Le pire c’est quand il pleut. Normalement la mousson aurait du s’achever il y a 2 ou 3 semaines mais visiblement y a un mec là-haut qui a décidé de faire du zèle. Et quand il pleut en Inde, c’est pas des gouttelettes de fillettes : vous survivez 5 minutes sous un parapluie/cape de pluie en évitant les flaques (pardon, les torrents)…mais passé ce délai vous êtes tellement trempés qu’après tout, autant laisser tomber les subtilités et patauger allègrement dans la flotte en-t-shirt.

La mascotte, qui était probablement prévue à la base pour représenter une marque de céréale pour gamin.

Bref : je voulais de l’action, du terrain, du réel…je suis archi-servie. Et aussi très contente, au moins on s’ennuie pas ici. C’est la première fois de ma vie que j’arrive à oublier à quel jour de la semaine on en est. Et aussi la première fois que je m’endors comme une loque sur ma chaise pendant une pause café.

La sécurité s’accroit aussi petit-à-petit et la moindre excursion sur un site s’accompagne invariablement d’une ou deux fouilles de sécurité. Au passage, je sais pas quelle vidéos on a fait mater aux fliquettes indienne pendant leur formation mais je pense qu’il y a eu un petit malentendu : généralement quand on essaye de palper la poitrine d’une nana aussi franchement, c’est pas pour une fouille au corps mais passons…les flics ici c’est du collector, faudra que je vous en parle un peu plus à l’occasion. En attendant, croisons les doigts pour qu’une bombe n’explose pas dans le coin…

En ce moment le programme est donc plutôt musclé mais l’ambiance est très bonne et y a un peu de tout. Dans ma team y a du roumain, du tchèque, du français, du sud af’, de l’anglais et même un suisse. Majoritairement, on parle principalement la langue de Shakespeare et aussi beaucoup, beaucoup le langage des signes quand il s’agit de bosser avec les indiens. Pas mal de gesticulation et entre ça, la marche à pied et le climat on n’est pas loin d’avoir l’efficacité d’un centre de Fitness un peu roots. Sérieux, que demande le peuple ?

Ah putiiiiiiiiin, le feu rouuuuuuge !!!

Les enfants, la première chose qui vous frappe vraiment en Inde quand vous arrivez à l’aéroport et que vous grimpez dans un taxi, ce n’est pas cet air chaud et humide qui se referme sur vous tel une serpillère ébouillantée, ni les regards des indiens, pourtant quasiment aussi lourds que l’atmosphère pour ce qui est de mater sans vergogne. Au passage, c’est la première fois que je débarque dans un pays où les habitants vous regardent avec autant d’insistance. Quand on s’est habitué au métro parisien ou la tradition veut qu’on se fasse démonter la tête si on fixe quelqu’un plus de 2sec, ça fait bizarre.

Non, folks, même si tout ceci vous interpellera forcément, le vrai choc culturel est ailleurs et il rôde sur toutes les routes hindoues, sous des formes aussi diverses que variées, de préférence métalliques et plus ou moins motorisées.

Je mets au défi n’importe quel conducteur européen (même Lyonnais) de rester stoïque lors de sa première ballade en taxi. Le passage de la première bretelle d’autoroute vous laissera tassé au fond de votre siège, l’air aussi détendu qu’un lapinou pris dans les phares d’un poids lourd et le palpitant bloqué au rythme d’un solo de castagnette andalou. J’vous raconte pas le coup de stress.

Passées trente secondes, un rire nerveux à peu près aussi guilleret qu’un crissement de fourchette au fond d’une assiette vous échappe, et c’est à ce moment qu’il faut trouver la force de désincruster vos doigts de la poignée qui se trouve au-dessus de la fenêtre, avant de la broyer pour de bon.

Une fois qu’on a compris que les lignes tracées sur le bitume sont juste là pour la déco et non pas pour tenter de délimiter des voies de circulation, on parvient à se détendre un peu. Quand on vous aura fait deux ou trois queue de poisson, vous réaliserez que la coutume consiste à déboiter au ras de la carrosserie pour doubler. Mais ça va parce qu’à l’arrière des véhicules il y a marqué « Horn, please », ce qui est le signal universel ici pour annoncer une action  de conduite quelconque et qui a relégué les clignotants au rang d’éclairage à peine plus informatif qu’une guirlande de Noel électrique à l’arrière d’un semi-remorque.

Quand on arrive en ville, les surprises continuent…mais comme une bonne vidéo vaut mieux qu’un long discours…(ça aura le mérite de vous donner de la matière à méditer la prochaine fois qu’on vous grillera une priorité):

En matière de véhicule, il y a à peu près de tout, de la moto aux célèbres tatas en passant par les vélos et les pousse-pousse…okay, rien d’original là-dedans mais il y a aussi ces nuées de petits taxis jaunes au toit vert appelés rickshaw : une sorte de croisement entre une mobylette et un pousse-pousse enroulé dans un truc qui ressemble à une carrosserie plus ou moins décapotable. Il y en a partout et monter là-dedans c’est sensation garantie, surtout quand on déboule pleine bourre à un croisement !

Tout ce petit monde évolue ainsi le plus naturellement du monde, alors que l’européen moyen se dit que le jour où il doit conduire dans un chaos pareil, il a intérêt à troquer son caleçon contre une couche. Mais franchement, passé la première frayeur (enfin, les 12 premières frayeurs…) c’est juste fascinant.

Sur le départ, direction Delhi

Okay.
Alors oui, je sais.  Je vous imagine d’ici tiens, les yeux au ciel, l’air blasé : « De keuwa ? encore une rechute sur ce blog ? »
Et bien oui.

Parce que voilà, après avoir papillonné allègrement lors de ma recherche de stage (de l’aéro aux cosmétiques en passant par le BTP, ne cherchez aucune logique là-dedans…) j’ai échoué dans le monde merveilleux de l’évènementiel. Sur le moment, on m’a vendu beaucoup de rêve mais dans les faits c’était, jusqu’à maintenant, pas franchement trépidant. Donc forcément, après avoir passé tout un été à gouter de près à l’exotisme de Châtillon et décrété à la face du monde que j’étais pas venu ici pour coller des gommettes…je me suis débrouillée pour aller voir ailleurs si j’y étais.

Pour le coup je me suis pas loupée, et demain je me barre pour deux mois à Delhi, filer un coup de main aux équipes qu’on a envoyé organiser deux-trois bricoles dans la région. Alors en vérité je fais pas trop la fortiche: partir en ballade avec un sac à dos et sa plus belle casquette de touriste, c’est pas trop compliqué. Aller faire de la gestion de projet là-bas c’est déjà nettement plus terra incognita…

On m’a dit au bureau que bosser 2 mois avec des indiens sur leur territoire, ça vous changeait un bonhomme. Bon. C’que je vous propose, c’est qu’on se donne rendez-vous mi-novembre pour constater l’étendue des dégâts. En attendant, s’il y a bien une chose qui est en pleine mutation en ce moment, c’est la géographie de mon appart’, où des piles de fringues et de bibelots surgissent inopinément de nul part, pendant que je tente de tasser un max de trucs dans mes valises. (Qui est en l’occurrence unique et vachement exigüe.)

Ajoutez à cela les dégâts collatéraux causés par la maman-poule qui me sert de génitrice: à savoir le refourgage de l’équivalent d’une pharmacie spéciale zone sinistrée de la Croix-Rouge, un stock d’anti-moustique suffisant pour organiser un génocide entre Delhi et Navarre, sans oublier la caisse de recommandation basique dont le ton général est « et surtout tu te méfies avec les chauffeurs de taxi ». En clair, ça prend beaucoup de place tout ça.

Ça va chieeeeeeer !!

Mon tuteur étant parti quelque part en Afrique du Sud (mais il a été cool, il m’a laissé son numéro de carte affaire. Qui était bloquée, et par extension inutilisable), j’ai du me débrouiller comme une grande face à une machine administrative à peu près aussi simple et efficace qu’un polytechnicien après une cuite au pastis leaderprice un lendemain de 14 juillet. Et plus hermétique qu’une boite de cornichons pour ce qui est de filer des infos aux stagiaires en galère. Donc à l’heure actuelle, si j’ai réussi à obtenir toutes ces petites choses superflues que sont vaccins, visa d’affaire et autres lettres de mission…il me reste encore le soucis du billet d’avion. Mais a priori ça devrait pas être trop mal, si tout se passe comme je le pense, je devrais plutôt bien m’en tirer 😀

Sur ce, je retourne à mes petits préparatifs, souhaitez-moi bonne chance 😀