Les enfants, la première chose qui vous frappe vraiment en Inde quand vous arrivez à l’aéroport et que vous grimpez dans un taxi, ce n’est pas cet air chaud et humide qui se referme sur vous tel une serpillère ébouillantée, ni les regards des indiens, pourtant quasiment aussi lourds que l’atmosphère pour ce qui est de mater sans vergogne. Au passage, c’est la première fois que je débarque dans un pays où les habitants vous regardent avec autant d’insistance. Quand on s’est habitué au métro parisien ou la tradition veut qu’on se fasse démonter la tête si on fixe quelqu’un plus de 2sec, ça fait bizarre.
Non, folks, même si tout ceci vous interpellera forcément, le vrai choc culturel est ailleurs et il rôde sur toutes les routes hindoues, sous des formes aussi diverses que variées, de préférence métalliques et plus ou moins motorisées.
Je mets au défi n’importe quel conducteur européen (même Lyonnais) de rester stoïque lors de sa première ballade en taxi. Le passage de la première bretelle d’autoroute vous laissera tassé au fond de votre siège, l’air aussi détendu qu’un lapinou pris dans les phares d’un poids lourd et le palpitant bloqué au rythme d’un solo de castagnette andalou. J’vous raconte pas le coup de stress.
Passées trente secondes, un rire nerveux à peu près aussi guilleret qu’un crissement de fourchette au fond d’une assiette vous échappe, et c’est à ce moment qu’il faut trouver la force de désincruster vos doigts de la poignée qui se trouve au-dessus de la fenêtre, avant de la broyer pour de bon.
Une fois qu’on a compris que les lignes tracées sur le bitume sont juste là pour la déco et non pas pour tenter de délimiter des voies de circulation, on parvient à se détendre un peu. Quand on vous aura fait deux ou trois queue de poisson, vous réaliserez que la coutume consiste à déboiter au ras de la carrosserie pour doubler. Mais ça va parce qu’à l’arrière des véhicules il y a marqué « Horn, please », ce qui est le signal universel ici pour annoncer une action de conduite quelconque et qui a relégué les clignotants au rang d’éclairage à peine plus informatif qu’une guirlande de Noel électrique à l’arrière d’un semi-remorque.
Quand on arrive en ville, les surprises continuent…mais comme une bonne vidéo vaut mieux qu’un long discours…(ça aura le mérite de vous donner de la matière à méditer la prochaine fois qu’on vous grillera une priorité):
En matière de véhicule, il y a à peu près de tout, de la moto aux célèbres tatas en passant par les vélos et les pousse-pousse…okay, rien d’original là-dedans mais il y a aussi ces nuées de petits taxis jaunes au toit vert appelés rickshaw : une sorte de croisement entre une mobylette et un pousse-pousse enroulé dans un truc qui ressemble à une carrosserie plus ou moins décapotable. Il y en a partout et monter là-dedans c’est sensation garantie, surtout quand on déboule pleine bourre à un croisement !
Tout ce petit monde évolue ainsi le plus naturellement du monde, alors que l’européen moyen se dit que le jour où il doit conduire dans un chaos pareil, il a intérêt à troquer son caleçon contre une couche. Mais franchement, passé la première frayeur (enfin, les 12 premières frayeurs…) c’est juste fascinant.
Kids, le train et moi, c’est une grande histoire d’amour. On s’y pose pour quelques heures avec un bouquin, de la bonne musique et on laisse passer le temps : le grand luxe (même si au-delà de 5h de trajet, ça peut devenir longuet, je vous l’accorde).
En revanche, il y a toutes ces petites choses qui font que le meilleur des trajets peut devenir un véritable cauchemar :
– Le voisin senteur aisselle : se décline également en version « empeste le vieux rance pas frais ». Déclenche des grimaces pour chaque m3 d’air brassé. L’odorat humain étant heureusement très bien fait, vous pouvez espérer que vous serez de moins en moins incommodé à mesure que le temps passe.
– Le syndrome du frigo : ou l’art de mettre la clim à 15° plein pot dès les beaux jours, ce qui oblige les voyageurs entrant dans la catégorie « petite chose délicate et frileuse » (comme moi) à se munir d’un pull et d’une écharpe pour les voyages, même si la température extérieure taquine les 30° à l’ombre. Existe sous forme inverse, avec des wagons relookés en étuve à l’occasion des fêtes de Noel. Ou aussi sous l’apparence de la panne de clim’ généralisée aux alentour du 15 aout qui métamorphose le train complet en papillote, et vous scotche littéralement à votre siège si vous voyagez dans un vieux wagon avec fauteuil en simili-cuir-crade.
– Les colonies de vacances : terrifiant adversaire, qui est à la fois multiple, envahissant et terriblement sonore. A le statut de boss ultime. « The Alpha and the Omega, the Beginning and the End… », vous voyez le genre.
– Le kéké qui découvre la technologie : s’extasie devant la toute puissance de son nouveau téléphone/ordinateur et tient à faire partager à tout le wagon son enthousiasme en testant toutes les sonneries ou en faisant grésiller du RnB. Passés quelques temps, le comité des voyageurs en souffrance se cotise pour lui refiler une paire d’écouteurs.
Ce week-end j’ai eu droit à la catégorie « regroupement de famille qui part en vacances » pendant plus de 5h et c’était tout simplement insupportable. Le genre qui vous colle une migraine à se fendre la tête en deux sur sa tablette. Couinements et exclamations suraigües, braillés par une demi-dizaine de bouches plus ou moins édentées, soutenus par un chorus de « chut les enfants, on ne crie pas », murmuré par une entité qui devait représenter les parents des monstres en question.
Crise de larmes en stéréo, feulement de colère capricieux en Dolby-surround, hurlements full reverb. On devrait vendre des martinets au wagon-bar, ça règlerait bien des problèmes. Et aussi, le petit manuel du parent laxiste en pleine crise d’autorité. Genre pour calmer les gamins ils leur font réciter les chiffres et les couleurs en allemand puis en portugais, en chœur, rythme et fortissimo. Quelle bonne blague.
Généralement la meilleure stratégie dans ce genre de cas c’est « courage, fuyons », mais le train étant plein comme un œuf, j’avais moyennement envie de me taper tout le trajet debout appuyée contre le porte-bagage avec mes 7h de sommeil en cumulé sur le week-end. Avec le recul je crois que j’aurais du dormir par terre entre 2 wagons, ç’aurait été la combinaison gagnante.
Bref, quelques heures à ce régime et les passagers exhibaient tous leur plus beau regard assassin. Personnellement j’ai réalisé sur le tard que je montrais les dents en un rictus franchement sanguinaire bien crispé, au moment où une mamie s’est levée pour récupérer son petit fils qui piaulait entre les sièges. Rétrospectivement je crois que je faisais cette tête depuis plusieurs minutes. Vu comme elle avait l’air inquiète et la façon dont elle m’a regardé elle devait (à raison) craindre que je lui saute à la gorge. J’ai succombé à la tentation du sarcasme en demandant à une des mamans quand est-ce qu’ils comptaient revenir de vacances.
– Vendredi, pourquoi ?
– Juste pour être certaine de pas monter dans le même train que vous.
Donc soyez prévenus, vendredi prochain sur la ligne Paris-Pau, c’est l’enfer sur terre.
Mis à part toutes ces considérations, le week-end valait son pesant de cacahouètes. Virées nocturnes, fiestas, rugby, squattages intensifs, sauna l’après-midi, proposition indécentes et autres romans feuilleton, j’en passe et des meilleurs. Vendredi prochain, c’est vacance pour une semaine, et ça aussi ça s’annonce bien. Voilà.
Me revoilà à Londres. Mon squat actuel est une charmante auberge de jeunesse Girls Only (ou comment profiter de la discrimination positive pour se loger quand on est une nana), à 2 arrêts de tube de l’Imperial College. Pas mal mais leur réseau wi-fi pue: Je suis actuellement dans le couloir, mon pc sur les genoux.
Je suis venue ici par la voie des airs et, du coup, j’ai bien envie de vous faire une analyse du joyeux festival qui se déclenche immédiatement après l’arrêt complet de l’avion sur le tarmac, à l’arrivée.
Dès l’extinction du signal lumineux, vous remarquerez que les gens bondissent toujours littéralement de leurs siège, avec en fond sonore le cliquetis d’innombrables ceintures de sécurité qu’on déboucle à la volée (paye ta formule). Et ils patientent tant bien que mal, fébrilement, debout courbés entre les rangés de sièges, à raison de 3 au m², en attendant que la passerelle soit arrimée et la porte ouverte pour libérer les fauves. Pourtant l’avion n’est pas en flamme, mais il faut visiblement s’en enfuir le plus vite possible.
Je me gausse, mais je suis la première à faire ça. Généralement, je voyage à la bourre, avec correspondance, rendez-vous avec des potes…(mazette, ça fait carrément femme Barbara Gourde tout ça) et croyez-moi, pour s’extirper le plus vite possible d’un aéroport en économisant une bonne demi-heure, ça nécessite une organisation minutée. J’vous ai fait un petit shéma récapitulatif :
Tout un art. L’autre avantage de se mettre devant c’est que statistiquement, en cas de soucis, c’est là où vous avez la plus haute probabilité de survie. J’ai vu de ces trucs sur les avions en cours cette année…je devrais envoyer quelques photos au service pub de la SNCF, ça les aiderait à vous faire préférer le train, tiens.
Mention spécial à Ryanair, quand même. Hormis le fait qu’ils sont encore plus voyous qu’Easyjet pour tenter de piéger le client en multipliant les combines pour le faire raquer pour un oui ou un non, tout ce qu’ils font est esthétiquement très laid.
Le site oueb est de type moche, criard, agressif en plus d’être bordélique et opaque. Le pire c’est qu’on retrouve ça dans les avions. Admettons, ils n’ont pas le choix, économie oblige, l’intérieur est 99% vieux plastique. Mais ils n’étaient pas obligés de choisir des couleurs aussi moches, si ? bleu pétant et jaune fluo. Heureusement que les trajets sont courts parce que ça pique les yeux.
A une époque, on avait droit à un superbe jingle après l’atterrissage. Une catch-phrase du style « Bravo, encore un atterrissage réussi pour Ryanair ! ». Applaudissement pré-enregistré. Ovation en voix-off. Mélodie débile qui donne l’impression d’être prisonnier d’un Tex-Avery. Roulement d’yeux effaré de ma part. Et tout. Expression complètement paniquée de ma voisine qui a sprinté jusqu’à la sortie.
C’est bizarre, on l’entend de moins en moins, cette annonce, allez comprendre.
En traversant les nuages, j’ai pas pu m’empêcher de jeter un coup d’œil par le hublot, avec un ricanement niais. La faute à ce extrait collector du film le plus WTFesque de l’année. Scènes anthologiques, bien que globalement ce soit une bouse sans nom. J’vous laisse déguster :
People, il m’est venu une réalisation l’autre jour.
Vous avez probablement déjà eu droit à ce genre de débat avec vos grands-parents (ou une entité approchante), peu de temps après la suppression du service militaire.
Pour faire court : « Le service militaire c’était bien, on avait un brassage des couches sociales et ça nous endurcissait en nous apprenant la discipline. » Ou un laïus du même tonneau.
Ce qu’il faut maintenant constater, c’est qu’à défaut de service dans une caserne, on a les permis de conduire des auto-école. Et là, le parallèle que l’on peut établir entre les deux me paraît flagrant.
Brassage des couches sociales ? check.
Le permis de conduire, c’est ZE exam’ qui nous rassemble tous, dans une même douleur, la galère universelle du peuple français. Vous pouvez avoir fait l’X et être un branque sur les bancs de l’auto-école. Peu importe votre look/bronzage/accent, de toute façon quand les diapos du code défilent, il fait noir et on la boucle en tachant de pas s’endormir.
C’est même encore plus fort que ça puisqu’il suffit de regarder autour de soit dans les salles obscures et claustrophobisantes des cours de codes pour constater qu’il y a aussi toutes les tranches d’âges.
La seule différence avec le service militaire c’est qu’on reste dans son département et que les parisiens ont moins l’occasion de faire la découverte des joies de la province. Les pauvres.
Endurcissement ? check.
Passke bon, faut se les taper les heures en bagnoles avec les moniteurs et rire et chansons en fond sonore. Si c’est pas l’équivalent de la corvée de chiottes ça, ma bonne dame…
Il me semble que peu importe l’endroit où l’on se trouve, on retrouve les portraits type de moniteurs d’auto-école :
Le bavard : confond ses élèves avec un psychiatre et raconte sa life non-stop, même s’il vous connaît depuis une heure à peine. Généralement doublé d’un dépressif. Phrase type « Enfin tout ça, c’est parce que je suis quelqu’un de sensible ». Passe son temps à checker ses messages téléphoniques d’un air stressé. Redoutable sans prise de caféine au préalable.
Le pervers/frustré : un peu comme le bavard, sauf que lui, il matte honteusement tout ce qui bouge dans la rue, quitte à s’interrompre au milieu d’une phrase pour s’adonner à cette activité qui illumine son regard. Aime bien se la jouer et rappelle souvent qu’il est célibataire. La pire espèce est macho et adore raconter des blagues nulles sur lesquelles il ne faut pas oublier de sourire. Sinon il croit que vous avez pas comprit et essaye de l’expliquer et là, c’est le drame.
S’il vous sort « ça fait 5 ans que j’ai pas baisé », vous êtes en droit de paniquer (merci à Alyette pour son témoignage et cette citation extraordinaire).
Le désinvolte : Pour lui, vous êtes un chauffeur de taxi. Passe son temps à vous piloter dans toute la ville avec un arrêt toutes les 5 mins pour aller chercher le pain/beurre/croissant/steak/chien ou passer dire bonjour à pote n°1 /ex/facteur/prêtre. Au moins avec lui on maitrise l’arrêt en double file et les créneaux à l’arrache. Phrase type : « Fais-moi penser à rappeler la bonne femme de la caisse d’épargne ».
Bref. Il y en a plusieurs et les rôles sont cumulables. Dans tous les cas, il faut garder des nerfs d’aciers et être concentré pour deux passke mine de rien, vous savez pas encore conduire et le danger rôde.
A la fin de l’heure, vous avez envie de tuer quelqu’un (le moniteur au hasard), vous vous sentez dans un état de nerf et d’épuisement extrême mais vous êtes en vie avec le soulagement du devoir accompli.
A côté de ça, y a de l’adjudant-chef qui peut aller se rhabiller.
Discipline ? check.
On vient déjà de le démontrer, mais il faut aussi prendre en compte la résignation blasée de tout ces gens qui se croyait tiré d’affaire avec 25h de conduite. Ahah, les naïfs !
– Bon, il va te falloir 4h de plus à X unités euros l’heure. On en reparle la semaine prochaine.
– Sir, yes sir !
Et ça rigole pas dans les rangs, y a pas le choix. Le comble du test de discipline, c’est quand même le lieutenant-colonel euh…l’inspecteur pardon, passke des fois, c’est bien gratiné 😀
Oui monsieur, tout à fait monsieur, je suis une merde monsieur, merci monsieur…XD
Enfin vous je sais pas, même si la politesse doit faire partie de package de base d’un individu quelconque, c’est pas dit que l’inspecteur soit au courant, en tout cas pas chez moi XD
Ceci étant dit, passez votre permis moto si la voiture ça vous saoule. C’est nettement plus fun et au moins vous avez pas à vous taper rire et chanson. 😀