Les ptits loups, s’il y a bien un truc qui est complètement exotique en Inde en général, et aux Jeux du Commonwealth en particulier, c’est la communication.
Peu importe le nombre de jours/mois/années que vous avez pu passer en pays anglo-saxons (ou devant des séries US), sachez que le plus bel accent que vous pourrez sortir ne vous servira à rien ici. A rien. Plus vous parlerez franglais, mieux on vous comprendra. Du coup vous forcez le trait et vu de l’extérieur ça fait doucement ricaner tant on tombe dans la caricature.
Imaginez que deux mois à ce régime, c’est un coup à bousiller proprement des années de boulot pour gommer l’accent français (genre) et faire une croix sur les bénéfices d’un séjour à Londres. Ce qui sauve tout ça ici, c’est le nombre d’étrangers en direct import du Royaume-Uni qu’il y a au m². C’est bien connu, la première réponse que l’on obtient d’un londonien à qui on sert du franglais c’est un regard ahuri entre 3 clignements de paupières interloqués. Enfin, je me moque, mais quand un indien me parle anglais je capte à peu près un mot sur deux. J’ai fait des progrès. Par contre au téléphone y a intérêt à s’accrocher, surtout si vous êtes à côté d’un fenwick qui ronronne avec l’enthousiasme d’un chaton obèse de 15 tonnes, asmathique de surcroit : on panne que dalle.
Après il y a les discussions avec les Indiens qui parlent uniquement hindi. Ça donne ça :
Il est 10h30. Après 2h de fouille, vous dégottez enfin dans un terrain vague le camion que vous attendez pour vider une zone, un magnifique semi-remorque à la cabine bleu pétrole dont l’intérieur est envahie de guirlandes arc-en-ciel et d’étoles en tout genre. De la pop indienne grésille depuis le téléphone portable posé sur un siège, une casserole boue sur un réchaud côté passager et ça sent plutôt bon. 4 pompons noirs fixés aux essuie-glaces pendouillent sur le capot au-dessus d’une roue de secours constellée de pois multicolores, fixée telle une figure de proue un peu rouillée, alors que les restes des foulards rouges accrochés aux cadavres des rétroviseurs s’agitent mollement dans l’air chaud qui vous entoure. Blagues et sarcasmes mis à part, j’adore leurs camions.
Il est pas mignon celui-là ? avec sa pièce montée meringuée sur le toit ?
Me: You speak English ?
Lui: yessir.
Me : Ouère are you workingue, toumoroh ? (en franglais, évidemment)
Lui: T’ickey, sir (traduction : « okay, sir »)
Donc là, c’est sûr, on tient le bon bout…ajoutez à ça la manie du pays qui consiste à dodeliner de la tête à chaque question et vous comprendrez qu’un Européen basique est parti pour galérer un moment : un indien ne fera jamais « oui » ou « non », mais un mix des deux en faisant osciller sa tête de gauche à droite, d’une épaule à l’autre. À l’instinct on traduit ça par « peut-être ». Pas très clair mais super pratique, je suis d’ailleurs en train de prendre le tic. Et mes collègues vont me mettre des claques si je ne surveille pas ça un minimum…
Le deuxième mode de communication universel du pays, c’est la paperasserie. Ici ils sont raides dingues des formulaires, des cartes d’accès, des badges…de vrais champions en matière de déforestation administratives. Les modalités d’accès à un site surveillés varient suivant les jours, les heures et le tour de bide du commandant en chef qui vous lorgne depuis sa chaise en plastique. Ne cherchez aucune logique : Ce matin, après 20min de pow-wow devant une barrière d’accès et quelques coups de fil, j’ai finalement pu aller bosser en filant au sergent un bout de papier daté de la semaine dernière sur lequel était inscrit en police Verdana 18 (en gras) : « Exit autorisation pass for truck », orné du spectre d’une signature très solennelle d’un pseudo haut responsable de site (en l’occurrence, c’était la mienne…). Okay.
Moralité, si vous voulez entrer n’importe où en Inde, emportez dans vos valises une liasse de feuilles ornées d’un joli coup de tampon et sur un malentendu y a moyen que ça passe.
4 commentaires ↓
Alors, deux choses :
1) la description en gras me fait penser que tu ferais une merveilleuse maitre(sse ?) de jeu à l’importe quel JDR papier tant le souci du détail y est,
2) ton accent anglais là-bas m’a l’air vachement proche du mien au quotidien. J’envisage de venir en renfort, je pourrais t’être utile !
Très très frais ! Comme d’habitude, merci !
Audrey: Merci à toi ! jamais fait de JDR papier, c’est une lacune qu’il faudra corriger un jour =)
Et viens quand tu veux, plus on est de fous, plus on rit, déjà que là c’est pas triste…
Fabrice Jean Pierre Claude: Thx mais…qui es-tu donc, mystérieux inconnu ? 0/
Toujours le même plaisir à te lire 😉
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